Formé sous l’impulsion d’une idéologie puissante et appuyé sur un appareil de pouvoir impressionnant, le soviétisme a façonné le vingtième siècle par son apparition fulgurante comme par sa disparition brutale. Son parcours marque un tournant décisif dans l’histoire mondiale des temps modernes, un profond bouleversement politique et social.

 

Un peu d’histoire

La Révolution russe de 1917 met fin au règne des tsars : menés par Lénine, les bolcheviks (ou « majoritaires ») prennent le pouvoir. Marxiste dans l’âme et chantre du prolétariat, Lénine veut changer l’armature du monde, au besoin par la force, et transforme la Russie en une fédération de républiques ; l’URSS* est née. C’est un État totalitaire doté d’un parti unique, n’admettant pas la dissidence et contrôlant la société. Après Lénine, Staline durcira encore le régime, envoyant entre autres des millions d’opposants dans les camps de travail du Goulag, en Sibérie et ailleurs.

Les causes de la dislocation

Cet effondrement radical, qui crée une onde de choc et d’incrédulité sur la planète, s’explique par plusieurs facteurs. L’échec des réformes de Gorbatchev vient d’une part de leur inachèvement. Trop modérées aux yeux des radicaux, trop réformatrices pour les plus conservateurs, elles se sont heurtées en outre à la résistance des bureaucrates et même de la population, lancée sans préparation dans un monde désormais rempli d’incertitudes quant à l’emploi, au ravitaillement, etc.

D’autre part, la course aux armements nucléaires pendant la guerre froide avec les États-Unis est coûteuse, et l’effondrement du prix du pétrole (lorsque l’Arabie saoudite se met à accroître sa production) résulte en une perte de revenus importante. Si on ajoute à cela les tensions ethniques qui secouent les républiques (au Kazakhstan, en Géorgie, en Azerbaïdjan, en Arménie…) et le vent de libération qui souffle sur les pays satellites du Bloc de l’Est, on a une idée assez exacte de la crise.

La Hongrie en 1956 et la Tchécoslovaquie en 1968 avaient tenté de se défaire de la tutelle soviétique, qui leur avait opposé une vigoureuse riposte armée. Gorbatchev n’intervient pas, pour sa part, dans la chute des communismes est-européens de la fin des années quatre-vingt. Il permet que le mur de Berlin, édifié en 1961, soit abattu en 1989 ; il permet à la Pologne, à la Hongrie, à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Tchécoslovaquie d’évoluer vers la démocratie. Bien intentionnée, sa politique a néanmoins mené le soviétisme à la débâcle. Avant lui, le système fonctionnait mal ; avec lui, il s’est désorganisé et n’a plus fonctionné du tout. Admiré en Occident, Gorbatchev est considéré par ses concitoyens comme le responsable de l’effondrement du régime.

L’ouverture du Rideau de fer donne lieu en Europe aux retrouvailles entre deux moitiés du continent qui ont longtemps été séparées : l’Union européenne passe de douze à vingt-sept membres dans les années 2000. Cette réunification s’accompagne, pour l’Europe de l’Ouest, de la responsabilité d’aider l’ex-Bloc de l’Est dans sa transition. Sans compter que le passage de régimes autoritaires vers des coalitions élues a été sanglant en Roumanie, où le dictateur Nicolae Ceaușescu fut assassiné, en Yougoslavie, qui éclatera en six républiques au terme d’une longue guerre civile, et dans les anciennes républiques soviétiques, secouées par des guerres. Gagné à la défense des droits de l’homme et à l’économie de marché, l’ancien bloc soviétique se laisse par ailleurs envahir par le néolibéralisme planétaire; c’est le début d’un capitalisme sans limites, avec tous les excès qu’on peut imaginer.

Sur le plan international, enfin, la fin de la guerre froide constitue un bouleversement géopolitique majeur. La chute du communisme est celle du monde bipolaire (États-Unis / URSS) hérité de la Deuxième guerre mondiale. Désormais seule superpuissance, les Américains se croiront autorisés à envahir l’Irak et à faire la guerre en Afghanistan, entre autres, sous prétexte de veiller sur le monde; ils deviendront à leur tour la cible de groupes qui refusent cette ingérence – comme en témoigne l’attentat terroriste contre le World Trade Center en 2001.

Un bilan ? Il est trop tôt pour le faire :  la fin du rêve soviétique date de trente ans à peine. Il aura ébranlé le globe de ses secousses, que nous n’avons pas fini d’absorber.

 

URSS

L’Union des républiques socialistes soviétiques (appelée aussi « Union soviétique », de « soviet », qui signifie « conseil » ouvrier) est un État communiste qui a existé de 1922 à 1991. Il rassemblait une centaine d’ethnies, une soixantaine de langues et cinq religions, réparties en quinze républiques (dont la Moldavie) qui couvraient onze fuseaux horaires ; c’était le plus vaste pays du monde. La république la plus importante en superficie et en population était la Russie, qui a hérité des pouvoirs de l’URSS (dont le contrôle nucléaire et le siège au Conseil de sécurité de l’ONU) lors de sa dissolution.

 

Bloc de l’Est et Rideau de fer

L’expression « Bloc de l’Est » (ou « bloc soviétique ») désigne l’ensemble des pays européens devenus communistes après la Deuxième Guerre mondiale : l’Albanie, l’Allemagne de l’Est, la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Contrôlés à divers degrés par l’URSS, ces pays se situaient à l’est du Rideau de fer, d’où leur nom.

Le Rideau de fer était une frontière fortifiée – barbelés électrifiés, miradors – tracée entre les pays européens occidentaux et ceux qui étaient sous contrôle soviétique. Sa section la plus célèbre est le mur de Berlin, qui enserrait l’enclave de Berlin-Ouest en Allemagne de l’Est. D’abord implanté par Staline, le Rideau de fer visait en principe à protéger les populations du bloc socialiste de l’influence du capitalisme, mais il a surtout servi, en fait, à empêcher les gens de l’Est de passer à l’Ouest.