… mais qu’est-ce donc qu’un intellectuel ? Vaste question qu’il n’est pas inutile de demander, mais qui n’est pas non plus sûre de nous éclairer fondamentalement sur les enjeux du monde. On me pardonnera de jouer de prudence et de donner une définition plutôt large en réponse à une telle question: la nature de l’activité intellectuelle est si vaste, si variée dans son déploiement, qu’on serait bien en peine d’asséner une définition trop exclusive de qui s’en réclame!

Mais supposons qu’un intellectuel est quelqu’un qui fait œuvre de penser ; dont on pourrait dire que l’essentiel de l’activité, est de «penser le monde». Mais encore? Tout le monde, à bien y penser, y pense au monde!…alors qu’est-ce qui distingue l’ouvrier agricole qui réfléchit au destin des choses, penché sur la terre fumante, de l’intellectuel accrédité par l’institution, ou encore du penseur autodidacte qui agace la pensée reçue? En chacun d’eux, ne peut-on pas dire qu’il y a une vie intellectuelle? Un chemin de pensée manifeste?
Oui, sans doute!

Manifestement, penser implique de faire retour sur ce qui est déjà apparu, sur ce qui nous habite déjà, et qui ne suscite plus d’attention. Penser, c’est peut-être se pencher, à nouveau, sur ce qu’on l’on croit déjà « savoir ». C’est garder en mémoire, comme le fait le comédien avec le texte de la pièce, des phrases essentielles qui communiquent un sens qu’on croit faussement avoir épuisé à la première écoute… faites-en l’expérience! Revenez voir la même pièce, deux ou trois représentations plus tard (disons que vous êtes venus un mardi; revenez vendredi!) et écoutez de nouveau le même comédien dire les mêmes répliques au même partenaire… vous serez sans doute abasourdis par tout le sens nouveau qui sera révélé par des signes (les mots) que vous croyiez avoir déjà entendus, c’est-à-dire épuisés. Entendre de nouveau, c’est peut-être déjà « penser ». Dans la répétition, ce qui est le propre de la mémoire, surgit une différence, si minime soit-elle, et cette différence, c’est peut-être l’occasion d’un sens nouveau, d’une nouvelle perspective sur les choses et les êtres.

Mais revenons à notre Ovide…