Au moment d’écrire ces lignes, la saison estivale donne l’occasion de nous réapproprier nos corps reclus, atrophiés, affaiblis par l’isolement de la pandémie.
Nos corps se détendent, s’illuminent, se retrouvent, parfois avec maladresse, puis le naturel revient; entrer en contact avec l’autre, c’est comme le vélo.
Le corps social reprend lentement forme, dans les parcs, sur les terrasses, dans les rues… Ces retrouvailles dans l’espace public nous rappellent au plaisir d’être ensemble. On avait presque oublié cette joie d’être en commun.

Cet automne, c’est le retour officiel du théâtre après de longues saisons d’hibernation. Une expérience collective dont on a temporairement dû faire le deuil. Plusieurs fois, on a eu l’espoir de se retrouver à nouveau. Puis cette joie nous était dérobée. Le désir de se retrouver côte à côte, de faire cohabiter nos corps dans l’espace pour voir et vivre en commun s’est fait attendre, s’est laissé désirer, nous a consumé comme le corps d’un amour dont on est privé, séparé de nous dans l’espace, qu’on attend de retrouver avec excitation et impatience.

Le corps, précisément, me semble au cœur de la programmation de l’automne. Il a aussi été un fil rouge pour les textes qui composent ce cahier. Le corps mis de l’avant, examiné, manipulé, métamorphosé, sexué. Le corps transformé avec Kafka, le corps social et autochtone d’alterIndiens, le corps masculin dans Foreman, celui, mis à l’index, des femmes dans Les Sorcières de Salem, ainsi que le corps différent, dissident de Jonathan :  la figure du goéland. À travers les textes qui suivent, vous aurez l’occasion d’ enrichir et de poursuivre ce moment précieux que l’on retrouve ensemble, celui de la réunion, celui du partage, du silence commun, de l’écoute collective. Ces spectacles, comme les textes du cahier, contribuent à polir ce miroir de nous qu’est le théâtre. Ce miroir qui reflète notre corps à tous, tant individuel que commun.

Plusieurs corps ont d’ailleurs composé ce Cahier. Mes deux prédécesseurs n’ont pas eu l’occasion de voir le fruit de leur travail pleinement présenté. Nos trois visions cohabitent donc dans cette édition. Merci à Clara Prévost et Maxime Champagne pour les Cahiers qu’ils ont respectivement dirigés. J’ai eu le privilège de poursuivre et de compléter ces deux visions. La rigueur et l’intelligence de leurs propositions ont stimulé et motivé ma propre démarche. Merci.

Merci Claude Poissant, Nicolas Gendron, Julie Houle et Valérie Desautels pour votre confiance et votre soutien!