Mathieu Gosselin, commissaire de ce Cahier, ne peut si bien dire quand il affirme que le travail de l’artiste transforme et perpétue le territoire de nos rêves. Ces artistes, qui ont façonné l’impossible à travers leurs créations, nous font vivre au bord de cet irréel avec une liberté qui toujours nous met face à notre conscience morale, à nos valeurs apprises, et à nos jardins secrets faits de préjugés comme d’idéaux. Ce sont d’ailleurs souvent ces idéaux qui nous font vibrer et nous permettent d’atteindre notre plaisir de spectateur.
Pour trouver et retrouver les Scandinaves Ingmar Bergman (Fanny et Alexandre) et Henrik Ibsen (Une Maison de poupée) jusqu’aux poètes disparus de Tom Schulman, le souffle de l’harmattan jusqu’à la grotte de Lascaux, ce Cahier accueille des collaborateurs, écrivains de toute forme, qui ont fouillé leurs âmes, leurs souvenirs et leurs opinions pour que les pistes élaborées soient, en peu de mots, devenues fécondes. Du théâtre argentin que nous situe Ximena Ferrer jusqu’à la nordicité suédoise que Julie Gagné met en relation avec la nôtre, on avale les kilomètres pour mieux digérer la matière. Catherine Vidal en profite au passage pour entrouvrir la boîte de Pandore de ce que le théâtre étranger révèlerait sur le Québec ! Quelques liens intimes se tissent avec les œuvres: la révolte de Nora vue par Eveline Mailhot, Madame Ekdahl essaimant la culture chez Alain Farah, le puissant romancier Sylvain Trudel épié par Jean-Pierre Thomas.
Des cinéphiles aguerris éclairent ce Cahier d’hiver marqué par nos adaptations d’œuvres phares du septième art. Mathieu Li-Goyette réfléchit au phénomène du film-culte pendant que Nicolas Gendron souligne ce qu’il en coûte de transformer l’écran en rideau de scène. Tristan Malavoy lit pour nous les mémoires d’Ingmar Bergman. Les comédiens Alex Bergeron et Gabrielle Côté consacrent un Abécédaire entier à l’Académie Welton et à sa société des poètes mal-aimés.
Antoine Laprise voit dans les traces de Lascaux la naissance du geste artistique, et Gabrielle Chapdelaine prête sa plume libre à l’instant présent, entre Carpe diem et Yolo ! En coulisses, Pierre Robitaille vante les vertus de la marionnette face à l’acteur. Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux, quant à eux, jonglent avec celles de la mise en scène à deux têtes. En guise de témoignages, Mani Soleymanlou décortique son rapport trouble avec la maladie, et Stéphanie Boulay revisite pour nous le sien, plus lumineux, avec sa capacité d’émerveillement. Mathieu Gosselin, lui-même grand voyageur, nous entraîne aux confins des rêves à venir comme des poèmes oubliés.
Et retrouvés.
Bonne lecture de l’hiver au printemps, et passez nous voir souvent.
Claude Poissant