Bien le bonjour, bien le bonsoir à toi qui me lis. Toi qui prends le temps de savourer un morceau de notre culture, un moment de théâtre, une bouchée d’art comme il s’en fait, par ces temps fiévreux, trop peu, trop peu. Toi qui as peut-être un intérêt particulier pour la culture, puisque te voici, aujourd’hui, à payer pour soutenir et participer à un échange important et magnifique.

Bien le bonjour, bien le bonsoir à toi qui es peut-être, d’une certaine manière, amoureux ou amoureuse de notre langue, de notre français national qui french kiss avec l’anglais du Mile-End, juste assez pour coexister avec les deux, les trois, les quatre, les toutes-les-langues ensemble de notre bonjour-hi montréalais-québécois.

Imagine-toi donc que j’arrive de passer du temps, pour une toute première fois, dans la beautiful British Columbia. Eh oui! J’ai gambadé entre ses séquoias géants et ses montagnes hautes à en couper le souffle. J’ai vécu à son rythme de vie lent et easy going, parce que son absence d’hivers à moins trente-cinq degrés Celsius. J’ai rencontré ses habitants et ses habitantes pour lesquel.le.s je fondais presque systématiquement, parce que juste assez hippies-de-la-nature. J’ai été charmée par notre « chez nous » d’une toute nouvelle manière.

Mais-mais-mais! Entends-moi bien, toi qui me lis. Sache que je reviens à Montréal avec, malgré tout ce bon temps passé là-bas, l’envie de ressortir des boules à mites un sujet populaire que je croyais pourtant mort et presque enterré. Je reviens ici, dans notre belle province, avec l’envie de raviver l’espoir d’un rêve que je croyais mort en même temps que la foi des baby-boomers de 95. Me vois-tu un peu venir, toi qui me lis? La sens-tu, l’odeur de la fleur de lys, te monter jusqu’aux narines?

Eh oui! Let’s talk about separatism, le grand rêve bleu d’un nationalisme québécois!

C’est lors de ma dernière soirée chez mes hôtes que j’ose leur demander ce qu’ils pensent d’un Québec qui se séparerait du reste du Canada. Peut-être me trouveras-tu naïve, toi qui me lis, mais j’étais bien surprise de savoir qu’ils n’encourageaient pas l’idée – « It would be bad for both of us! ».

On me laisse comprendre à quel point le côté ouest du pays est heureux et fier d’avoir le Québec dans sa famille. Que nous sommes les grands représentants et grandes représentantes de la langue française au pays, le noyau qui permet de dire que la terre de nos aïeux est un morceau bilingue de la mappemonde. On me dit que si on décidait de se séparer, les États-Unis nous goberaient en une seule bouchée, bien trempés dans la sauce Ranch, Sud-Ouest ou BBQ épicée. On m’a parlé d’argent, surtout. Que notre art québécois, que notre culture si bien chérie et importante est financée, en grande partie, par le Canada. Qu’on perdrait tellement en culture si on décidait de partir de notre bord. Parce que l’argent, l’argent, l’argent.

Mais sincèrement, au Québec, ce qui nous rend uniques, c’est notre culture, non? Nos festivals, nos artistes, nos films, nos séries, nos arts visuels, nos langues, nos poésies, nos livres, nos athlètes, nos enseignements, nos restaurants, nos théâtres, nos toutes pis toutes. Notre envie d’encourager l’ici, d’acheter local, de prendre soin de. Notre envie d’inclure et de travailler concrètement à réunir plutôt qu’à diviser. On est encore loin du but, mais je nous sens ramer dans le même sens pour s’y rendre. Je nous sens en discussion et en ouverture, surtout dernièrement. Je nous sens vouloir être un meilleur peuple. Je nous sens vouloir reconnecter avec l’autre et avec la nature.

On n’est pas une machine qui roule à l’argent pis au pétrole. Ou en tout cas, j’en connais une méchante gang qui se battent pour pas qu’on se rende là, parce que what the funk. On me parle de culture canadienne? Je sais pas ce que ça veut dire. Après deux mois passés dans l’ailleurs-mais-chez-nous, je sais pas encore ce qui nous unit d’est en ouest. Je sais pas ce qui fait qu’on a l’air d’être d’un même pays, à part nos faces grises de passeports canadiens.

Je me dis, toi qui me lis, que c’est peut-être, encore une fois, juste une question de peur? La peur, même si c’est ce qui nous a sauvés des ours pis des loups, ça fait partie des grands fléaux de l’humanité. Parce qu’on ne sait pas comment cohabiter avec elle. On la gère mal, cette peur. On attaque tout croche, ou on préfère l’inaction. Et à entendre parler d’argent et d’un engloutissement par les États-Unis, je réalise que je n’ai pas envie que ce soit la peur qui nous soude au reste du Canada. Ce serait trop triste, ce serait trop lâche.

Bien le bonjour, bien le bonsoir à toi qui me lis. Je me surprends moi-même à te parler de ça, mais je pense qu’on pourrait être un pays. Et un pays pas pire pantoute à part de ça. Je pense qu’on pourrait se permettre de briller de nos mille feux si on se donnait le courage de s’y rendre. Ce sera la pandémie pour un moment encore. Et tant qu’à être pognés ici, je nous invite à aller le visiter, notre beau Canada, pendant que c’est encore chez nous. Je nous invite à le découvrir et à devenir témoins de tout ce qui fait que le Québec est tellement unique et merveilleux.

J’ai hâte qu’on s’en reparle, tout le monde ensemble, quand le printemps d’un pays se pointera le bout du nez.