Entre ciel et terre

Chaque fois que je vais au théâtre Denise-Pelletier, je regarde toujours la fresque au plafond où des nuages essaient de se faire passer pour le vrai ciel. Chaque fois, je me surprends à y croire : au-dessus de ma tête, l’infini se déploie. Je regarde alors mes pieds. Ils ne touchent plus le sol. Je lévite, entre ciel et terre. Le théâtre nous invite précisément dans cet interstice où le passé, le présent, le futur et le fictif cohabitent en se mélangeant dans une réalité paradoxale : l’espace de quelques instants, le temps s’arrête et se crée.

Cet automne, cet entre-deux-mondes fait migrer nos incertitudes vers des perspectives inédites.

Dans la salle principale, nous regardons vers le ciel en revisitant des questions fondamentales. Un soleil nous aveugle mais nos yeux s’obstinent et s’y accrochent, dans l’espoir d’y trouver un peu de lumière. Alors qu’À cause du soleil éclaire de ses rayons la question de la responsabilité et du sens que nous donnons à la vie humaine, Si jamais vous nous écoutez fait nuit sur nos différences pour qu’apparaissent les constellations qui nous unissent : comment présenter l’humanité dans toute sa complexité à d’autres formes de vie? Quoi choisir de présenter? Et pourquoi?

Dans la Salle Fred-Barry, à l’instar d’un des personnages d’Une fille en or, nous émergeons de sous la terre pour mieux nous y mettre les mains. Les enjeux contemporains nous apparaissent dans la matière tangible : l’or se multiplie comme nos métamorphoses identitaires et technologiques (Une fille en or), à l’ère post #MeToo, nous avalons des kilomètres d’asphalte pour nous perdre sur des routes tapées par des siècles de sexisme systémique (Lolita n’existe pas) et nous ressuscitons le continent de plastique de l’extinction du pétrole (Plastique).

Entre ciel et terre, peut-être est-ce finalement là un refuge fécond pour encaisser les vagues à venir et sonder leurs tumultes.