Vous décrivez Terrain Glissant comme un thriller nordique psychédélique. Comment transposez-vous l’esthétique et les codes du cinéma d’horreur et de suspens au théâtre ?

Vous créez beaucoup par étapes, explorations, improvisations, tableaux, bancs d’essai. Comment avez-vous procédé pour Terrain glissant ?

F.R.C : L’important c’est le show, tout pour le show ! Je n’ai aucune difficulté à sacrifier du texte. Des fois, je trouve le rythme de production théâtrale plus compliqué parce que c’est un rythme lent. Ça peut prendre deux ans avant de réaliser ton projet. Mais moi, je change d’idée tous les jours ! C’est pour ça qu’on travaille collectivement et qu’on reste en mouvement. Je trouve qu’il n’y a rien de pire qu’un auteur qui est trop attaché à sa bibitte. Peut-être que ça lui parle personnellement, mais ça ne rejoint pas forcément les autres. Moi je suis là pour proposer, mais au final, c’est la gang qui décide. J’aime prendre le pouls de tout le monde. Je fais des shows pour les autres, pas pour moi. Et j’écris vraiment avec des gens en tête. Le personnage de Guillaume n’existerait pas si ce n’était pas de Guillaume Tremblay ! Je veux qu’ils s’approprient les rôles, qu’ils aient du plaisir à les jouer, que ça soit teinté de leur propre folie. La partition, c’est un prétexte, une base : prends ça et fais-en ce que tu veux ! Les artistes qu’on choisit sont souvent issus de l’impro, du théâtre comique ou absurde, ils savent comment garder un public et donner un show. On leur fait pleinement confiance. Le spectacle appartient à tout le monde.

La philosophie est un moteur de création pour Terrain Glissant. Quelles sont les principales questions et réflexions que vous explorez dans la pièce ?

F.R.C : Est-ce qu’il en reste ? (rires) Non, mais sans blague, Cédrik et moi on part de théories qui nous intéressent, comme un prétexte, mais après dans le processus, on les oublie presque complètement et on cherche juste à se faire du fun. C’est sûr qu’il y a des réflexions qui restent comme la limite entre réalité et fiction, l’idéalisme subjectif à la George Berkeley, mais je ne crois pas que les gens vont le remarquer quand ils vont venir voir la pièce. Ce n’est tellement pas un show ampoulé où on se prend la tête. Oui, il y a des références au subconscient de Freud, des questionnements existentiels, mais on les utilise surtout pour venir nourrir le côté étrange, l’ambiance de psychose collective dans la pièce !

F.R.C : Oui, on défie un peu ce concept que « la fiction doit avoir du sens ». On peut faire ce qu’on veut avec la fiction, c’est ça qui est merveilleux ! Je crois que Terrain Glissant illustre bien l’immense plaisir qu’on a à raconter, simplement, une bonne histoire.