« Mieux est de risque de larmes escrire, pour ce que le rire est le propre de l’homme. »

Parole de Rabelais à l’en-tête de son oeuvre colossale où déambulent les plus gigantesques héros de notre littérature. Comment voudriez-vous, qu’après avoir dévoré l’œuvre de ce grand maître qui m’a injecté ce goût de l’impromptu, de l’image saugrenue, de la création libre et farfelue, comment imaginer que j’ose encore prendre la plume pour vous parler de lui ? J’ose parce que les étoiles se sont alignées pour nous mettre sur les chemins qu’ont parcourus ses héros fabuleux.

Donc, lisez ces quelques mots que je vous offre, en faisant glisser vos yeux jusqu’à vos oreilles par le tunnel de vos narines… et vous risquez de goûter à la « substantifique moelle » qu’il a décortiquée pour nous en 1534. Cette date vous dit quelque chose ? Si fait, Jacques Cartier nous offrait une terre toute neuve… l’année même où naissait Gargantua.

Gargantua était le fils de Grandgousier, la grande goule, et le père de Pantagruel, le premier géant philosophe et visionnaire. Trois générations qui suffiront à un auteur du génie de Rabelais pour nous transmettre la connaissance qui plonge ses racines

le géant Pantagruel donc, en s’écartant un peu trop vers le nord, fut surpris soudain par une grêle de jelly beans, qui se nommaient à l’époque des dragées de couleurs et qui se mirent à pleuvoir sur la tête de son équipage. Une giboulée de paroles gelées durant le passage d’un navire précédent et qui, en fondant au temps doux, vinrent frapper les oreilles du géant. Une kyrielle de mots qui risquaient de se perdre… s’ils n’avaient été sauvés et transplantés par les héritiers de Grandgousier, Gargantua et Pantagruel, nos ancêtres qui s’établirent en Acadie et dans plusieurs régions du Québec : Charlevoix, l’Île-aux-Coudres, la Beauce, la Gaspésie…

De ces mots, j’en ai gardé en mémoire plus de 500, transmis de père en fils et de mère en fille, depuis quatre siècles. Les mots que ni l’Académie ni la plupart des dictionnaires n’ont daigné enregistrer. Mots uniques et beaux à entendre, les sublet (sifflet), dumeshui (dorénavant), allumelle (allumette), vèze (cornemuse)… mangeaille, naveau, picotte, potée, sordar, et les verbes réconforter, fortiller, cobir et bâsir… eh oui, bâsir, mot irremplaçable qui a sans doute survécu en anglais dans le verbe vanish et qui signifie à la fois partir et disparaître. Je pourrais, si je m’aventurais dans les proverbes, vous en citer un de Rabelais que j’ai entendu sortir de la bouche d’une tante maternelle sur son lit de mort :

« Oignez vilain il vous poindra,
Poignez vilain il vous oindra. »

Merci, Tante Madeleine, de m’avoir fait le présent, avant de bâsir pour de bon, d’une laize de mots que je conserverai précieusement au fond de mon gorgoton.