J’aurais choisi un nom fierce et class et vulnérable. Marianne, peut-être. Ou Éléonore. J’aurais eu des cheveux longs exactement comme ceux de Julie Masse sur le poster que j’avais dans ma chambre à huit ans.

Dans les corridors du Collège de l’Assomption, j’aurais porté ma jupe deux pouces trop haut. J’aurais eu droit au regard assassin de Yolande, la surveillante, et à la règle en métal froide collée contre ma cuisse : « C’est la dernière fois que je t’avertis. »

Je n’aurais pas passé mes récréations seul, assis sur un banc de la salle commune sans fenêtre des élèves de secondaire trois surnommée « le zoo » – c’était un nom plutôt bien choisi étant donné l’odeur de cage à singe qui y régnait.

J’aurais passé tout mon temps entre les cours avec Noémie et Tatiana. Les fins de semaine, on serait allées aux Galeries Rive-Nord, essayer du linge, du make-up, des parfums. J’aurais pas payé pour tout ça en étant plongeur chez St-Hubert : j’aurais été hôtesse.

Je n’aurais pas passé mes soirées, mes week-ends et mes étés enfermé dans ma chambre pour ne pas être avec les gars. Je n’aurais pas tremblé de peur à chacune des fois où je devais affronter les douches communes. Pierre, le prof d’éduc, disait toujours « Les gars, après le sport, prenez votre douche. C’est peut-être aujourd’hui que vous allez rencontrer la femme de votre vie. »

Au lieu de faire du lip-sync, en silence, discman dans les mains, écouteurs dans les oreilles, porte de la chambre verrouillée, j’aurais pu hurler avec mes amies dans la cour de récré les paroles de The Power of Love.

 

The feeling that I can’t go on
Is light years away

‘Cause I’m your lady
And You Are My Man.

 

J’aurais eu le droit de rêver aux garçons. J’aurais pu écrire des lettres d’amour sans les brûler ensuite. J’aurais pu me masturber en pensant au regard de Nicolas et à son sourire de player sans me sentir sale après. Je n’aurais pas eu honte des images dans ma tête, de ma sexualité imaginaire.

Je n’aurais pas eu ma première expérience sexuelle avec un homme de 30 ans, rencontré sur le web parce que j’avais décidé que c’en était assez : aujourd’hui, même si c’est lundi, je perds ma virginité, avec n’importe qui, même s’il est circoncis.

Je l’aurais fait avec une personne vulnérable et forte : prête à recevoir, accueillir et découvrir mon corps.

Si on m’avait dit plus tôt que ça existait, les garçons-filles et les filles-garçons, j’aurais pu, moi aussi, avoir 15 ans. Être. Adolescent.e. Féminin.e. Transcendant.e.