Comment as-tu illustré la trame narrative, les classes sociales et l’évolution des personnages à travers les costumes ?

Jessica Poirier-Chang : Dès le départ avec Hugo Bélanger, on a déterminé qu’on voulait faire une sorte de trompe-œil. Quand le spectacle commence, le public pense qu’il va voir un beau petit Molière propret, et plus ça avance, plus on comprend que ce n’est pas du tout ça ! On est dans le bouffon, presque dans Ubu Roi, il y a un numéro de comédie musicale, ça fait un peu cabaret. Il y a donc beaucoup d’évolution et de transformations dans les costumes des personnages.

Quelques personnages portent des lunettes et c’est très intentionnel. Dans ce cas-ci c’était pour souligner qu’ils ne voient pas clair ou ne portent pas attention à la souffrance du peuple. Ce jeu de perspectives est important parce que c’est une pièce qui parle de notre façon de voir le monde. J’ai coupé le regard de Pangloss, le philosophe optimiste du château pour qui tout est toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes, avec de grosses lunettes roses. Martin, son opposé, a un look plus grunge ou punk et sa perruque foncée cache partiellement ses yeux pour illustrer que sa vision est floue aussi.

Justement, quelles sont tes inspirations, artistiques ou autres, pour ce spectacle ou dans ta pratique en général ?

Pour la Reine des Bulgares, Hugo voulait l’aborder comme une influenceuse sur YouTube, alors j’ai emprunté au style de Chappell Roan, une jeune pop star actuelle aux cheveux roux qui fait fureur.

Sinon dans ma pratique en général, je fais surtout des conceptions d’époque, mais je ne suis pas rigide et fidèle à 100%. C’est l’hybride que je préfère : sentir tout de suite qu’on est au XVIIIe siècle et rappeler l’époque, mais en explorant, modernisant et « théâtralisant » le tout.

Les comédien·ne·s jouent plusieurs personnages et sont presque toujours en scène. Quels sont les défis pour une conceptrice ?

Et Pascale Bassani, c’est un nom qu’il faut retenir ; une assistante/chef d’atelier extraordinaire ! C’est littéralement la colonne vertébrale de toute la confection. Bref, si les costumes sont réussis, c’est grâce à l’expertise, le cœur et le dévouement de ces gens-là et ça me donne les larmes aux yeux quand j’y pense. C’est là où mon métier prend tout son sens : être en atelier avec du bon monde.