Tous les chemins mènent à Rome, apparemment. À Rome, à Montréal, à Hochelaga ou au Théâtre Denise-Pelletier.

Tous les chemins mènent au désir de pouvoir se trouver, de pouvoir trouver un sens à la vie ou, au moins, d’arriver à en tisser une qui a un peu d’allure. Or, tous les chemins peuvent mener au théâtre.

À l’hiver 2016, fraîchement sortie d’une séparation, ma fortune se traduisait par 20 dollars cash et un tout nouveau et tout puissant permis de travail canadien en poche. Alors, malgré la quantité de pièges qui teintaient mon chemin à l’époque, la vie semblait m’offrir un peu de sens, un peu de paillettes, un peu de douceur.

C’est aussi en 2016 que je me suis installée dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. J’y ai vécu pendant quatre ans en cohabitation avec des artistes circassiens exceptionnels jonglant avec leurs propres batailles, dans une belle maison à trois étages avec une terrasse gourmande débordante de blagues, de chips, d’amour, de désaccords et de paillettes, beaucoup de paillettes. Étrangement, quelques années après avoir déménagé dans un autre coin de la ville, j’étais de retour. J’ai fait partie de la distribution de deux productions qui ont pu, ENFIN, voir la lumière du jour, devant du vrai public, à la Salle Fred-Barry. Au printemps 2022, j’ai eu le plaisir de tourner dans le projet Pièces, créé dans les entrailles du Théâtre Denise-Pelletier et mettant en valeur son histoire, sa magie et son architecture imposante. Six mois plus tard, je me retrouve, encore une fois, en train de tisser des nouveaux liens avec ce théâtre, dans le même quartier Hochelaga-Maisonneuve, avec un mandat qui me donne autant envie de briller que de me cacher au fond de ma gêne : coordonner et écrire. Défi accepté.  Miracle demandé.

Le contexte d’une si noble tâche m’a tout de suite poussée à accepter le mandat. Une proposition tissée d’une multiplicité d’histoires qui posent un regard réflexif sur différents aspects de la condition humaine. Le Faiseur appelle à repenser avec humour notre relation à l’argent. À rire des effets – des dégâts? – de la spéculation financière, qui se traduisent dans notre volonté de payer pour l’idée de posséder quelque chose.  À mettre en perspective notre capacité d’achat souvent confondue avec le bonheur. Brillante nous présente les enjeux d’une enfance complice inscrite dans une fantaisie dystopique.  Des enfants exilés, prisonniers des fatalités, mais avec la possibilité – hypothétique? – d’une libre croyance. Dans Les danseurs étoiles parasitent ton ciel, la jeunesse hochelaguienne se déploie avec audace et connivence, en avouant ses espoirs face à la gentrification d’un monde où l’accès à la beauté et à la dignité ne semble être ni nécessaire ni permis. De la musique wagnérienne, avec toute sa capacité de sublimation, se laisse entendre dans les Châteaux du ciel, dont l’histoire nous rappelle qu’on ne peut pas rêver à moitié, et que le ciel, au lieu d’être une limite, est le récepteur bienveillant de toute cette rêverie. Sans oublier le sentiment d’impuissance qui envahit les protagonistes de Redbone Coonhound, produit des manifestations du racisme internalisé et systémique, tel ce nom d’une race canine. Ou bien, le chuchotement de l’âme frissonnée que produira la prochaine édition du Scriptarium, dont la quête autour des traces de nos lignées dévoilera autant de batailles que de bénédictions insoupçonnées.

Voilà alors une deuxième partie de saison qui promet. À la hauteur de la curiosité des nouveaux spectateurs et de celle des publics assidus. Des histoires racontées pour et par les habitants d’un quartier qui se dévoile dans une courtepointe de contrastes.

Grâce à la confiance et au soutien de Julie, Marine, Nicolas et Claude, j’ajoute alors, à la liste de souvenirs au Théâtre Denise-Pelletier et dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, la coordination de ce Cahier rempli de la générosité de ses collaborateurs. J’ajoute également ma sortie officielle du placard en tant qu’écrivaine. Une autre façon de tisser des liens avec le théâtre, une autre façon de suivre les chemins de paillettes qui mènent à la maison.