Sissies

 

« Rest in peace, Marsha P., Harvey Milk, Oscar Wilde
Sorry that you can’t grow old
Such a fucking tragedy

 I suppose the yellow brick road
Is easier to navigate than it’s ever been before
I feel like the red finish line
Keeps getting pushed back every time I learn a little bit more »

Momentary, Jake Wesley Rogers

 

Nous descendons de Louis II, roi de Bavière.

Nous avons noirci de nos désirs refoulés des centaines de pages de journaux intimes. Nous nous sommes méprisé·e·s, détesté·e·s, flagellé·e·s. Nous avons été forcé·e·s de croire que nous étions coupables, malades, brisé·e·s. Nous avons été élevé·e·s par la honte, enfoncé·e·s dans la timidité.

Nous avons fui le regard des autres. Nous avons vécu la nuit. Nous avons aimé dans la douleur, baisé dans la haine de nous-mêmes. Nous avons été blessé·e·s ; nous avons été cruel·le·s. Notre rage est de velours. Le monde des hommes nous était étranger.

Nous avons été harcelé·e·s, moqué·e·s, caché·e·s, manipulé·e·s, destitué·e·s, silencié·e·s, condamné·e·s, interné·e·s, méprisé·e·s, violé·e·s, torturé·e·s, tué·e·s, suicidé·e·s.

Nous avons préféré la fiction et les rêves. Chevalier noir, chevalier rouge. Nous luttions toujours et perdions sans cesse.

Nos paradis sont artificiels. Nous sommes des fées. Île des roses, fleur de jasmin. Nous avons construit des châteaux dans le ciel parce que la terre nous était refusée.

Nous sommes d’une lignée de personnes sans enfants. Nous ne descendons ni de nos pères, ni de nos mères. Nous ne sommes pourtant pas orphelin·e·s. Nous sommes d’une lignée de folles et de fous. De sorcières et d’uranistes. D’êtres fabuleux et transcendants.

Nous sommes brillant·e·s, flamboyant·e·s, too much, emporté·e·s, sensibles, romantiques, non binaires, visionnaires, imparfait·e·s et sacré·e·s.

Nous avons été les cygnes et les moutons noirs. Les vilains petits canards et les aigles à deux têtes. Nous avons été chassé·e·s de nos familles. Nous avons pulvérisé les maisons fragiles de nos enfances pour en construire de nouvelles.

Haus of pride. Haus of courage. Haus of love.

Nous sommes briseurs et briseuses de cycles héréditaires suffocants. Terminateurs et terminatrices de souffrances. Nous refusons aujourd’hui d’être prisonnier·ère·s de nos époques pourries.

Nous sommes d’une lignée qui se perpétue sans en demander la permission. Par l’art et la magie ; par l’amour et le combat. Nous choisissons nos parents, nous choisissons nos enfants. Nos mariages sont d’amour et nos familles sont spirituelles. Nous nous reconnaissons et nous unissons. Nous croyons aux fantômes et à l’astrologie. Nos morts et nos mortes nous parlent. Nous nous moquons du sang, des genres et des noms de famille. Notre généalogie n’est pas un arbre : nous sommes mycélium. Nos histoires et notre bagage se transmettent underground.

Nous sommes une famille royale. Kings and queens, indétrônables. Nous ne sommes plus enfermé·e·s dans des châteaux. Nos donjons sont des terrains de jeux. Nous marchons, rage d’amour, from Sissi that waltz to Sissy that walk. Nous lançons des murs de pierres aux visages de la police. Nous organisons de grands bals au petit matin. Nous sommes les anges du Wyoming. Nous renversons les triangles roses. Nous écrivons Orlando. Nous pleurons Orlando. Nous essuyons nos larmes sans gants. Nous inventons des mots pour faire naître nos rêves. Nous écrasons sous le poids de nos talons hauts celles et ceux qui nous assassinent.

We’re queer. We’re here. Get used to it.

Nous sommes d’une lignée impossible à briser. Nous ne mourons pas. Nous ne mourrons jamais.