Le spectacle Le sexe des pigeons propose une expérience inusitée, à laquelle bien des spectateurs ne sont pas habitués : le théâtre déambulatoire.
Cette forme, sans être nouvelle, surprend chaque fois qu’on la rencontre, tellement sa pratique est variable.

Pourtant, elle revêt une richesse de possibilités inversement proportionnelle à la pratique qu’on en fait.  En effet, il y a une distinction radicale à observer dans la relation théâtrale proposée au spectateur : plutôt que d’être un simple observateur muet, immobile, effacé dans le noir et passif, le spectateur d’une œuvre déambulatoire se voit confier plusieurs rôles importants.

Déjà, de par la liberté de mouvement qui lui est accordée, il a un contrôle sans égal sur l’œuvre. Dans les formats déambulatoires habituels, le spectateur décide de ce qu’il regarde, écoute et ressent, depuis quel angle il le fait, dans quel ordre, et combien de temps il consacre à chacune des parties. En ce sens, il prend des décisions qui sont normalement la chasse gardée de l’auteur et du metteur en scène.

L’autre grande distinction découle directement de la première. En effet, si chaque spectateur devient en partie l’auteur et le metteur en scène de l’expérience individuelle qu’il a du spectacle, conséquemment, chaque spectateur vivra une expérience profondément différente, voire unique.  Loin d’être une faiblesse, cette caractéristique du théâtre déambulatoire est généralement recherchée par les créateurs qui offrent ainsi une œuvre ouverte à l’interprétation et dont les possibilités de sens sont décuplées par le parcours unique de chaque spectateur.

Afin de mettre en perspective la pratique du théâtre déambulatoire, je vous présente quelques propositions emblématiques.

D’autres propositions théâtrales déambulatoires diffèrent du Sexe des pigeons et de Sleep no more du fait qu’elles ne sont pas présentées dans des décors conçus spécifiquement pour le spectacle. Elles sont plutôt présentées dans des lieux non-théâtraux, souvent extérieurs.

On peut penser au spectacle Où tu vas quand tu dors en marchant…? présenté tous les printemps dans les rues de la ville de Québec depuis 2009. Des artistes y proposent des tableaux théâtraux inspirés de différents lieux de la ville tels une ruelle, un stationnement, un cimetière.  Dans ce type de proposition, même si des périmètres de clôtures sont érigés, le spectacle et la ville deviennent indissociables. La ville devient une toile de fond aussi immense qu’incontrôlable, avec ses édifices au loin, sa rumeur, et même ses passants qui finissent malgré eux par en devenir les figurants. Le regard du spectateur ne s’arrête pas à une simple clôture et il intègre tout ce qui se présente à lui!

Par ailleurs, certaines des premières propositions d’Olivier Choinière étaient aussi conçues en mode déambulatoire dans l’espace public, mais guidée par une narration entendue dans un audio-guide. On pense notamment à BIENVENUE À – (une ville dont vous êtes le touriste) ou à Beauté Intérieure.  Ce qui est frappant dans ce type de proposition qui ratisse très large dans la ville – et qui forcément, contrôle moins ce qui s’y déroule – c’est la place qu’il laisse à l’imprévu. Celui-ci peut surgir à tout moment et faire sens dans le regard du spectateur. Il suffit qu’un passant le regarde soudainement au moment où un effet sonore dramatique retentit dans ses oreilles pour que le doute s’installe. Était-ce un acteur ? Était-ce prévu ?

Il se peut fort bien que le spectateur n’obtienne jamais de réponse définitive à ses questions.  Et il en viendra probablement à se dire que cela fait partie de la beauté de la chose. D’une façon ou d’une autre, il aura vécu quelque chose de marquant. Et de potentiellement unique.