SUR LES TRACES DE LUDWIG
À l’été 2022, pendant que je mémorisais les répliques de Châteaux du ciel, je suis allé à Munich, en Allemagne, pour m’imprégner de l’histoire de Ludwig II de Bavière. Je trouvais que j’avais le prétexte idéal pour explorer des contrées jusqu’ici inconnues et assouvir ma curiosité. Je me suis dit que ces impressions sur mes visites pourraient étancher la vôtre. Sous la forme d’un carnet de voyage, je parlerai de l’architecture de ces châteaux, mais aussi de celle d’un personnage que je tente de (re)créer.
On se dirige vers une autre aile où les murs de briques n’ont pas été recouverts, faute d’argent. Sur le bord de la faillite, Ludwig devait économiser pour les matériaux. Tout l’or et le marbre ne sont que du toc. « Tout l’or du château pourrait être contenu dans l’équivalent d’une bouteille de coke » : précise mon guide avec flegme.
Il nous dit que dans cette aile, il n’y avait pas de toit à l’époque de Ludwig, et que c’est ici que le roi venait observer les étoiles. Même si le château est plus modeste, la galerie des Glaces de Herrenchiemsee reste plus grande que celle du Palais de Versailles. Et autre curiosité : le château est doté du chauffage central. Ludwig était à la fine pointe de la technologie et adorait les gadgets en tous genres. Malgré son côté geek, il n’y a pas de cuisine dans ce château ; Ludwig devait « se faire livrer » par des serviteurs qui lui apportaient son repas par bateau. Il se faisait venir des festins qu’il partageait seul avec la reine Marie-Antoinette ou d’autres monarques disparu·e·s.
En me baladant d’une pièce à l’autre, j’imagine Ludwig errer dans ces vastes ailes inhabitées et je ressens un grand vide… J’imagine le chantier que ça a dû être, le sentiment d’un rêve qui n’aboutit jamais. Ludwig est mort, d’ailleurs, pendant la construction du château.
On arrive dans sa chambre. Elle ne consistait pas à être habitée, mais regardée. À dormir dans un vrai lit, Ludwig préférait observer le lit idéal où il se serait vu dormir. Le rêve était son refuge, sa véritable chambre. Et ce qu’il regardait, il ne le voulait que pour lui seul.
Je quitte le château. Accoté sur la rambarde du ferry, je regarde l’île, et je me dis que ce château était plus qu’un rêve inabouti ou le caprice d’un mégalomane, mais le reflet de la solitude de Ludwig, de son étendue.
Même si elle me pèse parfois, il m’arrive, comme lui, de revendiquer cette solitude. Comme à ce moment précis de mon voyage où je me sentais particulièrement loin de chez moi et de ceux que j’aime. J’aime voyager seul, mais ça ne vient pas sans quelques petits vertiges. Une chose est certaine : il y a des personnes, comme Ludwig, qui disposent de plus de moyens pour réaliser cette solitude.
Revendiquer l’absolu s’accompagne d’une absolue solitude.