Mot du directeur artistique

Saison 2023-2024
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© Demande spéciale
MILLE NEUF CENT SOIXANTE-QUATRE /
DEUX MILLE VINGT-QUATRE

 

Notre histoire. Les Plouffe.

Après avoir été honorée de succès au Trident à Québec en janvier 2020, Les Plouffe arrive enfin à Montréal. Né en 1919 dans le quartier Saint-Sauveur à Québec, Roger Lemelin se met à écrire alors qu’il est en convalescence après un accident. Son oeuvre, parmi les plus marquantes de notre patrimoine, pointe alors. Le roman Les Plouffe a été adapté à la radio en 1952, à la télévision en 1953 et au cinéma en 1981. Isabelle Hubert en signe avec une grande acuité la première adaptation théâtrale. Maryse Lapierre donne vie sur scène à toute l’agitation de cette famille éloquente, poignante.

Molière joue, Lully compose et le roi danse.

À 14 ans, Louis XIV se révèle lui-même au monde par sa danse du Soleil. Lully et Molière participent de cette grandeur du roi que le pouvoir exige. Mais l’ambition des uns, l’hypocrisie environnante et les doléances d’Anne d’Autriche, régente de France et mère de Louis, tout conspire à faire pâlir la lumière du Roi-Soleil. Michel-Maxime Legault, qui rêve ce spectacle depuis qu’il a vu le film Le roi danse de Gérard Corbiau, et l’autrice Emmanuelle Jimenez s’emparent fièvreusement du trio de grands hommes. Trois, c’est une foule, non ?

La tempête du coeur, l’éveil du désir.

À l’ère des amours multipliés, des transformations identitaires, des certitudes temporaires, L’éveil du printemps est vital. L’adolescence prend ses tabous par les cornes et plonge dans l’émotion du désir naissant. Si vous voulez rire, avoir de doux malaises et entrer en dialogue avec le temps réel, l’oeuvre majeure de Wedekind s’offre une cure de jeunesse sous les mots en feu de David Paquet et l’oeil profond d’Olivier Arteau. Après notre capitale nationale conquise, c’est la métropole qui passe à l’acte.

L’Amérique du maître Williams.

Chef-d’œuvre de la dramaturgie américaine, La ménagerie de verre de Tennessee Williams brille dans les yeux de la metteure en scène Alexia Bürger. Incessante vibration de la famille possible, la pièce écrite en 1944 est devenue un repère du théâtre occidental. Dans ce huis clos aux ancrages réalistes, l’auteur braque son projecteur sur Tom, Laura et leur mère Amanda Wingfield, qui cherchent comment résister à ce qui est déjà tracé. Dans la langue précise de l’écrivaine et traductrice Fanny Britt, la pièce de Williams s’étend autrement sur l’insolvable Amérique.

 

À la Salle Fred-Barry,

les jeunes compagnies SQUELETTES arts vivants (VACARMES : le concert théâtral), Pleurer Dans’ Douche (Explosion), La moindre des choses (Terrain glissant) et la compagnie aguerrie de Moncton l’Escaouette (Les remugles ou La danse nuptiale est une langue morte) nous offrent des dramaturgies et des formes scéniques qui trouvent dans l’incomparable un nouveau débat d’idées. Et dans les quatre spectacles, ce débat est pensé et offert dans des paysages théâtraux où l’humour nous réoriente.
Puis, deux compagnies phares du théâtre jeunesse, pour notre grande joie, sont de retour. Le Théâtre Le Clou poursuit son Scriptarium avec pour commissaire de l’édition 2024 l’émérite médecin et professeure Joanne Liu. Et le Théâtre Advienne que pourra, guidée par son directeur artistique Frédéric Bélanger, remonte la filière canadienne-française d’une étrange parente de l’écrivain Jules Verne dans Jules & Joséphine. Le Théâtre La Bête Humaine nous présente une fiction policière qui soulève les impératifs de la réalité virtuelle dans nos vies.
Le spectacle L’Inframonde, créé à La Licorne et si rapidement interrompu par la pandémie, ouvre à nouveau cette enquête, toujours plus à propos. Et commençons donc dès fin août par l’amour. Car l’amour n’est jamais tout à fait comme vous l’aviez prévu. C’est peut-être cet élan du coeur que nous attendions depuis des lustres. ExLibris offre ce solo d’Éric Noël, L’amoure looks something like you, où une personne non binaire s’éprend à distance, oui, d’une baleine à bosse.

 

2023-2024.

Déjà presque un quart de siècle de nouveau millénaire. Ce que nous tenions pour acquis n’a au fond jamais existé. Rien n’est vraiment comme avant. Et quand le monde bouge et se transforme, le théâtre tempête, creuse, sort de terre et s’étonne lui-même. Toutes les plateformes, tous les réseaux sociaux, toutes les images en ligne, aussi éducatives qu’elles puissent être, ne remplaceront jamais un souffle d’art vivant et des gens à nos côtés qui partagent un même éphémère, aussi imprévu que spectaculaire. Aussi bouleversant qu’heureux.

 

Claude Poissant
Directeur artistique